Peut-on être un duo artistique sans perdre son identité ?
Travailler à deux ne signifie pas fusionner totalement . Un duo artistique ne se définit pas seulement par ce qui est créé ensemble, mais aussi par ce que chacun apporte de son univers propre.

Chez nous, l'équilibre se joue entre deux pratiques très différentes :
Figuration et peinture en atelier.
Graffiti et personnages nés de la rue.
Si nos styles et nos médiums semblent opposés, ils se rencontrent et s'enrichissent , créant cette dynamique singulière qui fait notre duo.
Deux chemins, deux univers
Nous avons chacun un langage artistique propre , une manière de voir et d'exprimer le monde avant même que nos pratiques ne se rejoignent.
Nove et les Trooble Faits : la rue, la BD, la 3D
Depuis l'adolescence, Nove développe les Trooble Faits , deux personnages incarnant le bien et le mal , qui se querellent et se réconcilient sans fin.
Son style puise dans la BD et le graffiti , avec une gestuelle rapide et instinctive. Il les travaille à la bombe, au Posca, et explore désormais la 3D pour leur donner un autre relief.

Ses personnages ne sont pas simplement des figures graphiques , ce sont des alter ego , des entités qui évoluent avec lui. Ils existent dans un univers en perpétuel mouvement , à l'image de la rue d'où vient le graffiti.
Rien n'est figé, tout est en tension.

Un lettrage explosif peut venir interrompre une scène, une couleur peut surgir d'un trait spontané. L'immédiateté du graffiti fait partie intégrante de son processus.
Elise entre figuration et mémoire
De mon côté, mon travail s'ancre dans la mémoire et la trace.
Avec la série Super 8 , je remets en question l'empreinte laissée par les souvenirs , cette frontière entre ce qui s'efface et ce qui persiste.
Je superpose les couches de peinture acrylique et d'aérosol, comme si chaque image était un palimpseste, une réminiscence d'un instant passé.
Mon approche est celle de l'atelier , où chaque œuvre est longuement pensée, travaillée, intégrée.

Là où Nove capte l'instant, je travaille sur le temps.
Là où le graffiti revendique le geste immédiat , je cherche à tisser un fil entre passé et présent.
Quand le dialogue transforme le duo
Si nos pratiques semblent très éloignées au départ , elles se sont mutuellement influencées au fil du temps.
Ce que j'ai pris du graffiti et de Nove :
L'énergie de l'aérosol , cette capacité à lâcher prise et à accepter l'accident.
L'impact du lettrage , la manière dont un mot ou une lettre peut structurer une composition.
Un rapport plus direct au mur, à la surface , où la spontanéité prend le dessus sur la planification.
Ce que j'ai apporté à Nove :
L'espace de l'atelier , un endroit où l'on peut revenir sur une œuvre, l'affiner, la prolonger dans le temps.
Un regard sur la narration , comment une œuvre peut contenir une histoire sans être figée dans une seule lecture.
Nos pratiques ne se mélangent pas totalement, mais elles s'influencent, se testent, s'apprivoisent.
Prenons l'exemple d'une fresque que nous avons réalisée ensemble.
Au début, le contraste entre nos deux approches était frappant :
Un portrait détaillé en noir et blanc se dressait sur la surface, recherchant la profondeur des ombres et des lumières.
Autour, les lettres explosives et colorées de Nove semblaient vouloir rompre l'équilibre, comme un cri qui traverse une image figée.
Nous avons d'abord eu des hésitations, des ajustements, des tests , jusqu'à ce que l'œuvre trouve son propre langage .

L'énergie du graffiti n'a pas recouvert la figuration, elle l'a mise en tension, en mouvement.
Ces dialogues visuels sont au cœur de notre duo.
Il arrive que l'un adopte un geste, une matière, une idée de l'autre. Mais ce que nous créons individuellement reste singulier, intact , car c'est ce qui permet à notre duo de ne pas devenir un style figé, mais un dialogue constant.
Un duo vivant, nourri par l'indépendance
Nous sommes un duo, mais pas une seule entité.
Nous avons chacun notre espace, notre identité, nos projets personnels .
C'est ce qui fait que, lorsque nous nous retrouvons pour créer ensemble, quelque chose de nouveau naît à chaque fois.
Si nous étions exclusivement dans notre duo , nous risquerions de nous enfermer dans une seule manière de faire, de nous répéter, de ne plus nous surprendre.
Nos recherches personnelles sont le moteur du duo.
Elles nous permettent d'apporter du neuf , d'expérimenter, de ne jamais nous enfermer dans une seule manière de faire.
Un duo ne doit pas être une fusion totale, mais un échange vivant.
Pensez-vous qu'un artiste en duo doit aussi garder un espace personnel pour créer ?
Comment voyez-vous l'équilibre entre création individuelle et collective ?
💬 Partagez votre réflexion en commentaire !
Elise.
Comments