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Collaborer : ouvrir l’espace, habiter le monde

De mes premières expériences en body painting à nos fresques collectives avec La Douche Froide Artists, une réflexion sur l’acte de collaborer et d’ouvrir l’espace à l’autre.


Il y a des mots que l’on utilise sans y penser. « Collaboration » en fait partie.

Aujourd’hui, il s’affiche partout : dans les projets culturels, les publications artistiques, les appels à projet.

Mais pour moi, la collaboration n’a jamais été un concept ou une stratégie. Elle s’est imposée d’elle-même, comme une manière d’être au monde et de faire œuvre.

Je n’ai jamais vraiment décidé de collaborer. J’ai toujours créé avec l’autre, presque naturellement.



Aux origines : partager l’espace de création


Quand je repense à mes premières expériences artistiques, je réalise qu’elles ont toujours été tissées de liens et de rencontres.



Tout a commencé avec le body painting. Dans cet univers, la collaboration est évidente : le corps devient support, l’artiste compose avec la chair, le mouvement, l’énergie d’un modèle vivant. Dès le départ, j’ai compris que l’œuvre ne naît pas seulement de la main qui peint, mais de l’interaction, du dialogue silencieux entre les corps et les gestes.


Puis, lorsque j’ai ouvert Art17, mon atelier-galerie en 2017, cette dynamique est devenue presque une évidence. J’avais initié les Rendez-vous du 17, un événement mensuel où je faisais dialoguer des artistes aux pratiques très différentes. Là encore, il ne s’agissait pas d’une simple programmation, mais d’une envie profonde de croiser les univers, faire cohabiter les sensibilités, provoquer des frottements créatifs.


création avec Denis Lucaselli
création avec Denis Lucaselli

C’est aussi dans cet esprit que j’ai travaillé avec le sculpteur Denis Lucazelli, avec qui nous avons mêlé peinture et volume, avec l’artiste peintre Clémentine Martinez, avec qui j’ai réalisé ma première fresque collaborative, ou encore avec Lucien Seichepine, ingénieur 3D, pour expérimenter une mise en relief de nos toiles.

À chaque fois, il a fallu accepter d’être déplacée, remise en question, de lâcher le contrôle pour faire place à un processus partagé.





Avec Nove : apprendre à faire place


Et puis, un jour, est arrivé Nove. Notre duo, La Douche Froide Artists, n’est pas né d’une décision préméditée, mais d’une évidence.


Avec lui, j’ai découvert un univers que je connaissais peu : celui du graffiti.

Ce qui m’a immédiatement frappée, c’est que dans cette culture, la collaboration n’est pas un luxe

ou une exception, elle est inscrite dans l’ADN du mouvement.

mon premier Jam AOA Abbeville !
mon premier Jam AOA Abbeville !

Un Jam, c’est vingt, trente artistes réunis autour d’un mur, chacun avec son style, son énergie. Mais à la fin, il reste une œuvre commune, traversée par toutes ces individualités.



Peindre à plusieurs mains, c’est accepter que l’œuvre ne nous appartienne plus tout à fait. Qu’elle devienne quelque chose d’autre.

Un espace ouvert où nos gestes se répondent, parfois se confrontent, souvent se complètent.



À six mains : quand l’œuvre dépasse les individualités


La fresque que nous avons réalisée récemment avec Djalouz, à l’invitation de Lynda Freymann et de Graffitipolis, en est un parfait exemple.

À six mains, nous avons composé un mur où nos trois univers se sont mêlés sans se dénaturer : les lettrages vibrants de Nove, les Pigecam de Djalouz, et mon travail figuratif.



Graffitipolis - Nove-Djalouz et moi
Graffitipolis - Nove-Djalouz et moi

Au-delà de la performance, quelque chose d’étrange et de puissant s’est produit : l’émergence d’une entité visuelle, d’une œuvre qui ne portait plus nos noms séparés, mais une seule énergie commune.

C’est là que la collaboration prend tout son sens. Non pas seulement parce qu’elle additionne des compétences, mais parce qu’elle génère quelque chose de neuf, d’imprévu, de vivant.



Nous sommes des êtres de relation


Je me rends compte que cette dynamique dépasse largement le champ artistique.

Collaborer, ce n’est pas seulement peindre à plusieurs. C’est un geste profondément humain.

Nous ne sommes pas des îles, des entités isolées. Nous sommes des êtres de relation, traversés par les échanges, les rencontres, les frottements.

L’artiste, malgré le mythe du génie solitaire, ne déroge pas à cette règle. Il crée dans un monde peuplé d’autres voix, d’autres mains, d’autres regards. Ce que nous faisons ensemble nous transforme bien plus que ce que nous pourrions faire seuls.


Chaque fresque collective, chaque projet partagé, chaque rencontre artistique me rappelle cette évidence : ce qui fait œuvre, ce n’est pas seulement la technique, mais l’espace que l’on ouvre à l’autre.

Et peut-être que dans un monde qui valorise tant l’individualité et la réussite personnelle, collaborer est un acte profondément subversif.

Un geste qui dit : je ne fais pas œuvre seule. Je fais œuvre avec vous.


Elise.

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La Douche Froide Artists
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