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"Quand l'art choisit le souffle plutôt que le cri"

Photo du rédacteur: ladouchefroideartistsladouchefroideartists

 


Être artiste : quelle place dans un monde d'injonctions ?


Aujourd'hui, être artiste semble s'accompagner d'une série d'attentes : être engagé, porter des messages forts, répondre aux grandes préoccupations de notre temps, qu'elles soient politiques, sociales ou écologiques. Mais cela soulève une question essentielle : quelle est véritablement la place de l'artiste dans notre société ? L'art peut-il exister sans devoir se plier à ces exigences ?



Créer pour qui, créer pourquoi ?


L'art a toujours été un espace de liberté, une exploration des émotions, des idées, de l'invisible. Mais cette liberté est-elle toujours intacte ? Lorsqu'on demande à un artiste d'être « écolo » ou de produire des œuvres qui portent des messages politiques, ne risque-t-on pas de réduire l'art à un outil ?

exposition Galerie Cheloudiakoff, 2023
exposition Galerie Cheloudiakoff, 2023

Comme l'a dit Marcel Duchamp : « C'est le regardeur qui fait l'œuvre.  Cela veut-il dire que l'art doit impérativement répondre aux attentes des spectateurs ou de la société pour être légitime ? Ou peut-il simplement être une expression personnelle, libre de toute pression extérieure ?



L'art, une quête avant tout ?


Créer, c'est avant tout un dialogue intérieur. Un geste brut, une recherche sincère, une tentative de donner forme à l'indicible. Est-ce que cette quête personnelle perd de sa valeur si elle ne porte pas un message sociétal explicite ?

Paul Klee disait : « L'art ne reproduit pas le visible, il rend visible. » 

Peut-on encore se permettre de créer uniquement pour explorer, pour ressentir, sans avoir à justifier chaque choix par un engagement extérieur ? Ou sommes-nous désormais dans un monde où l'art doit toujours « servir » quelque chose de plus grand que lui-même ?



L'injonction à être vert ou engagé : une contrainte ?


L’époque dans laquelle nous vivons place une attention particulière sur l’écologie, la responsabilité sociale et les engagements politiques. Dans ce contexte, l’art, qui reflète souvent les préoccupations de son temps, est devenu un terrain fertile pour ces thématiques. On valorise les œuvres qui dénoncent les injustices, celles qui recyclent les matériaux ou celles qui adoptent des postures militantes. Si cette évolution traduit une sensibilité croissante à des questions cruciales, elle soulève aussi une question essentielle :

peut-on encore être artiste sans être explicitement "engagé" ou "responsable" ?
Laisser le peinture vivre
Laisser le peinture vivre

La pression des attentes sociétales

Le mot "injonction" n’est pas choisi au hasard. De nombreux artistes ressentent cette pression, qu’elle vienne des institutions, des galeries ou même des spectateurs. Créer, aujourd’hui, semble devoir répondre à des critères éthiques ou environnementaux pour être considéré comme légitime ou pertinent. Les institutions culturelles, par exemple, favorisent souvent les projets qui correspondent à ces attentes, en valorisant des œuvres écoresponsables ou engagées socialement.

Mais cette tendance soulève une question délicate :

l’art doit-il impérativement porter un message ou répondre à ces critères pour exister ? 

En cherchant à inscrire l’art dans des cadres prédéfinis, ne risque-t-on pas d’étouffer une partie de la liberté créative ?


L’art et l’écologie : une relation complexe

Prenons l’exemple de l’écologie. Il est vrai que la création artistique peut avoir un impact environnemental, que ce soit à travers les matériaux utilisés (aérosols, solvants, résines), le transport des œuvres ou encore la consommation d’énergie lors des expositions. Certains artistes ont choisi de répondre à ce problème en adoptant des pratiques dites "écologiques" : utilisation de matériaux recyclés, peintures naturelles, limitation des productions physiques.

Mais cela pose une autre question :

toutes les formes d’art peuvent-elles répondre à ces exigences sans sacrifier leur essence ? 
fresque réalisée en 2022
fresque réalisée en 2022

Par exemple, les aérosols permettent une fluidité, une spontanéité et des effets visuels impossibles à obtenir autrement. Les pigments naturels, bien que louables, n’offrent pas toujours l’intensité ou la durabilité nécessaires à certaines créations. Est-il juste d’attendre de chaque artiste qu’il transforme sa pratique pour répondre à des normes, au risque de perdre une partie de sa singularité ?


Engagement explicite vs engagement personnel

Au-delà de l’écologie, la notion d’"engagement" s’étend aussi aux messages véhiculés par l’art. On attend souvent des artistes qu’ils prennent position sur les grandes causes de notre époque : justice sociale, droits humains, lutte contre les discriminations, et bien sûr, environnement. Mais cette injonction peut devenir pesante pour ceux dont l’art s’inscrit dans une quête plus introspective ou universelle.


Nous tendons nos toiles sur des châssis réalisées par un menuisier local
Nous tendons nos toiles sur des châssis réalisées par un menuisier local

Est-ce moins "engagé" de peindre des émotions humaines, de questionner la mémoire ou d’explorer la spiritualité que de dénoncer les crises actuelles ? L’engagement ne peut-il pas être silencieux, subtil, ancré dans une recherche personnelle plutôt que dans un discours explicite ? Comme le disait Jean Dubuffet :« L’art doit naître d’un besoin intérieur profond et non des calculs extérieurs. »


La liberté au cœur de la création

L’une des forces de l’art est justement sa capacité à ne pas se plier aux attentes ou aux cadres extérieurs. Quand on impose à un artiste d’être "vert" ou "engagé", on ne fait pas seulement pression sur ses choix matériels ou thématiques. On conditionne aussi sa liberté de créer. L’art est-il encore cet espace de liberté absolue où l’on peut questionner sans répondre, expérimenter sans justifier, et créer sans s’excuser ?

Bien sûr, cela ne veut pas dire que les démarches écologiques ou militantes n’ont pas leur place. Elles sont essentielles et apportent une richesse indéniable à l’art contemporain. Mais elles ne devraient pas devenir une norme qui écrase toutes les autres formes d’expression. Chaque artiste devrait pouvoir trouver son propre chemin, qu’il soit explicitement engagé ou ancré dans une exploration plus personnelle.


Une contrainte ou une opportunité ?

Enfin, il faut se poser cette question : ces injonctions sont-elles forcément des contraintes, ou peuvent-elles être des opportunités ? Pour certains artistes, elles offrent un cadre stimulant, une manière de repenser leur pratique et de se relier à des enjeux contemporains. Pour d’autres, elles peuvent être vécues comme une entrave, une source de culpabilité ou une forme de jugement.

Peut-être que la réponse réside dans la diversité. En laissant coexister des démarches écologiques, politiques, personnelles et abstraites, on enrichit l’univers artistique. Et en reconnaissant que chaque engagement, qu’il soit visible ou intime, est valable, on rend justice à la pluralité des voix artistiques.



La place des institutions dans la validation de l'art


Les institutions, qu'il s'agisse de galeries, de musées ou de marchés de l'art, jouent un rôle clé dans la diffusion des œuvres. Mais sont-elles les seules à pouvoir valider ce qui est ou n'est pas de l'art ? L'artiste doit-il préalablement répondre à leurs critères pour être légitime ?

Jean Dubuffet affirmait : « L'art ne vient pas coucher dans les lits qu'on a fait pour lui. » 

En d'autres termes, l'art ne se laisse pas enfermer dans des cadres ou des normes. Comment, alors, naviguer dans un système où ces cadres semblent parfois incontournables ?



Et si l'engagement était ailleurs ?


L'engagement d'un artiste est souvent perçu à travers le prisme des grandes causes contemporaines. On attend qu'il prenne position, qu'il milite, qu'il donne à ses œuvres une dimension directement liée aux problématiques sociétales ou environnementales. Pourtant, l'engagement artistique peut être plus subtil, plus intime, et tout aussi puissant.

Peut-être que l'engagement d'un artiste ne réside pas toujours dans ce qu'il dit ou revendique, mais dans ce qu'il explore, dans les univers qu'il ouvre, dans les dialogues qu'il instaure. Créer, c'est déjà un acte d'engagement. C'est affirmer une vision du monde, même lorsqu'elle ne porte pas de message explicite. Une vision qui peut se loger dans une thématique aussi universelle que la mémoire, aussi personnelle que la foi, ou aussi abstraite que la complémentarité des genres.


Doit-on sous-estimer l'impact de ces quêtes ?

Ces explorations ne sont-elles pas aussi importantes que celles qui répondent directement aux attentes sociétales ? Une œuvre qui plonge dans la fragilité de la mémoire collective, ou qui questionne les liens entre masculin et féminin, ne crée-t-elle pas elle aussi un espace de réflexion pour le spectateur ? Ce type d'engagement, bien que moins visible ou explicite, invite à une introspection plus profonde, à une transformation intérieure.


Créer des espaces pour respirer 

Dans un monde saturé d'informations, de débats polarisants et d'urgences, l'art peut offrir un contrepoint : un espace où l'on peut simplement s'arrêter, ressentir, et penser autrement.

Comme le nomme Picasso !
Comme le nomme Picasso !

Peut-être est-ce cela, l'engagement ultime de l'artiste : offrir une parenthèse dans le tumulte. Non pas en apportant des réponses toutes faites, mais en permettant au spectateur de se poser ses propres questions, de se reconnecter à son humanité, de trouver dans l'art un écho à ses propres émotions.


Un engagement qui se passe des injonctions 

En poursuivant sa propre voie, sans chercher à répondre à des attentes extérieures, l'artiste affirme une autre forme d'engagement : celle de la liberté. Une liberté qui est en soi un acte fort, dans une époque où tout semble devoir être normé ou justifié.

Un artiste qui choisit de travailler avec des matériaux non écologiques, parce qu'ils lui permettent de traduire fidèlement sa vision, ou qui préfère explorer des thématiques intimes plutôt que de suivre les grands discours de son temps, n'est pas moins engagé. Au contraire, il s'engage dans une quête de vérité personnelle, dans un processus sincère de création. Et cette sincérité, cette fidélité à soi-même, est peut-être la forme d'engagement la plus exigeante qui soit.


Faire confiance à l'art lui-même 

L'art n'a pas besoin d'être militant pour transformer. Il n'a pas besoin de porter des slogans pour marquer les esprits. Une œuvre profondément personnelle peut provoquer un bouleversement, une prise de conscience, ou simplement une émotion qui reste. Et cela suffit.

En offrant au spectateur une vision sincère, même si elle est dénuée de message explicite, l'artiste peut toucher quelque chose de plus universel : l'âme humaine. Cette connexion, invisible et pourtant si essentielle, est la véritable force de l'art. Et elle dépasse les cadres, les injonctions ou les attentes.



Un débat ouvert

Ces réflexions n'ont pas pour mais d'imposer une vision, mais d'ouvrir un débat. Peut-on encore être artiste aujourd'hui sans porter une bannière, sans répondre à des attentes extérieures ? L'art peut-il être simplement une quête personnelle, libre de toute injonction ?

La place de l'artiste dans la société évolue constamment. Plutôt que de des réponses définitives, peut-être est-il temps d'accepter que ce lieu est en mouvement, qu'elle peut être plurielle, et que chaque artiste doit trouver sa propre voie.



Et vous, quelle place voyez-vous pour l’artiste dans notre société ? Partagez votre point de vue en commentaire !

Elise.

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