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À mon père, l’écrivain debout


Hommage en ce jour de fête des pères

Je ne suis pas du genre à écrire ce genre d’article. Je parle rarement de moi autrement que par mes toiles. Mais aujourd’hui, j’ai envie de faire une exception.

Parce qu’on ne devient pas artiste par hasard.

Parce qu’on hérite parfois de silences, parfois de révoltes, et parfois… d’un souffle.

Le mien a prit racine dans la voix d’un homme qui m’est cher, mon père.

Un homme qui, avant que je ne trouve ma manière de peindre le monde, avait déjà trouvé sa manière de le dire.



Un nom pour dire le monde


Il s’appelle Pascal Poinsenot. Mais sur les scènes rurales, dans les émissions radiophoniques ou sur les affiches de ses spectacles, on le connaît sous le nom de Paul Ermio.

Un nom né d’un personnage truculent, mi-clown, mi-sage, inventé dans les années 80 : un grand-père campagnard en blouse grise, capable de faire rire petits et grands tout en leur racontant le monde.

Un alter ego généreux, profondément humain, comme lui.

Ce nom, Paul Ermio, est devenu un espace d’invention, de lutte douce contre l’oubli, un territoire où l’on raconte la vie des gens simples avec une poésie rustique et une ironie tendre.


L'œuvre d’un homme enraciné

Depuis les années 1970, il a multiplié les formes, les publics, les registres.


Il a fondé sa propre compagnie théâtrale en 1986, dans un village du Doubs. Avec elle, il a écrit plus de 90 pièces, toutes jouées, souvent dans des petites communes, parfois dans des lycées, parfois dans des festivals. Des pièces comme Fanfan de la Meuriotte, mais aussi des spectacles populaires à sketches : Honneur aux dames, Cancoillotte et boitchu, Le bal des tordus… et des pièces historiques et poignantes comme Jeanne Mance, une femme d'exception

Mais mon père n’est pas qu’un homme de théâtre. Il a aussi été chroniqueur sur Radio France pendant plus d’une décennie (France Bleu Besançon, France Bleu Belfort-Montbéliard), écrivant et enregistrant plus de 2 000 récits : contes régionaux, anecdotes historiques, histoires de clocher et légendes comtoises. Il y avait dans sa voix cette faculté de suspendre le quotidien, un art d’enchanter l’ordinaire.

Et il a transmis.

Dans les écoles, les collèges, les lycées, les maisons de quartier. Il a animé des ateliers avec des jeunes en difficulté, croyant dur comme fer que le théâtre pouvait remettre debout ceux qu’on croyait assis à jamais.



Un acte d’écriture : Une vie en cascade

Récemment, alors que la maladie est venue assombrir l’arrière-scène, il s’est lancé dans une nouvelle entreprise : écrire son autobiographie.

Le tome 1 de Une vie en cascade est paru en avril 2024.Ce n’est pas un simple récit de souvenirs. C’est une traversée. Il y parle de son enfance dans la campagne haut-marnaise, de son adolescence, de ses premières scènes improvisées, de ses rêveries de comédien sans école. Il y évoque ses doutes, ses deuils, ses premières brûlures de lumière.

Et surtout, il y raconte avec pudeur ce que signifie créer quand on est enraciné. Créer quand on vient d’un monde où l’on ne parle pas d’art, mais où chaque geste est un théâtre, couper le bois, soigner les bêtes, écouter le vent.



Lire l'article de l’Association des Écrivains de Haute-Marne

Découvrir sa biographie complète

A découvrir prochainement, sa chaine youtube où de multiples interviews sur les comédiens et collaborateurs qui ont oeuvré avec lui tout au long de sa carrière - Création avec Caroline Poinsenot


Je l’ai peint, un matin de silence


Le lys, acrylique sur châssis toile, 2021
Le lys, acrylique sur châssis toile, 2021

Je l’ai peint.

Un portrait dans l’intimité.

C’était lui, assis. Pas tout à fait comme d’habitude.

Fatigué, peut-être, mais toujours là.

Présent.

Peindre mon père, ce fut un de ces moments où l’acte artistique rejoint le sacré. C’était un geste de reconnaissance, une façon de dire « je te vois ».

Et peut-être aussi, de me dire à moi-même : « je suis là grâce à toi ».



Ce qu’il m’a transmis


Il aurait pu vouloir que je suive ses pas. Mais il m’a laissée peindre, déborder, explorer ailleurs.

Pourtant, dans chaque toile, je sens sa présence. Dans chaque projet collectif, je sens l’écho de ses engagements. Et dans chaque doute, je retrouve sa voix.

Il m’a appris que l’art, ce n’est pas le bruit. C’est la persistance. C’est faire, encore, quand plus personne ne regarde. C’est croire que l’on peut changer quelque chose avec peu. Et c’est résister au cynisme.



Aujourd’hui, en ce jour des pères

Je voulais écrire cela.

Pour lui dire merci.

Pour poser une pierre sur le chemin.

Pour lui rendre, un peu, ce qu’il m’a offert sans rien demander.


Que dire de ma mère, elle aussi m’a tellement portée et accompagnée.

Mais aujourd’hui, c’est à Paul Ermio, l’homme qui écrit encore debout, que je dédie ce moment.



Elise.

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